Chantal RODIER - Artiste

ARTISTE PEINTRE -POÉTESSE- Marsac en Livradois

l'ensemble de :Flore ou la rage de vaincre :Torpeur à Montluçon


 FLORE OU LA RAGE DE VAINCRE

INTRODUCTION

Torpeur à Montluçon.

couverture l'ecorchee vive(couverture sous copyright)

Halte là !

 

 

INTRODUCTION

 

 Halte là !

 

    

     La guerre de 1914 - 1918 apporta bien des déchirures et des démantèlements dans de nombreuses familles. Une solitude immense s'abattit sur tout le territoire. Les grands-parents de notre héroïne disparurent dans ce feu diabolique. Son grand père, Dimitrov Kantorovitch, né le 13 Novembre 1908 en Russie, était un homme respecté de part sa position religieuse ; l’un des chefs religieux de sa commune. Il fuyait son pays par différence politique envers le « berger de l’Oural » redoutable officier gardien des « goulags ». Avec d'autres familles d’Ukraine, pour échapper au courroux de la révolution, il battit la campagne, ne voyant plus que ses pieds ensanglantés. Les plus forts d’entre eux  poussaient les charrettes surchargées durant des kilomètres. Ils échafaudaient des espoirs pour une vie meilleure. Au court de son voyage périlleux, il rencontra Manouska Leskoff venue de Pologne, avec ses proches. C’était une petite femme blondinette d’un corps solide comme un roc disait-on. Fatigués, éreintés, bravant le froid, la faim et les maladies, ils traversèrent les frontières et arrivèrent en France. Ils déchargèrent leurs modestes biens à Montluçon, dans le département de l’Allier. A cette époque, c’était un village peuplé de cinq mille habitants. Cependant, le besoin de main-d’œuvre était important et l’offre battait son plein. Peu de français souhaitaient prendre ces postes car le labeur était rude et mal payé. Le bourg vit sa croissance augmenter grâce aux constructions massives de logements appelés « corons » attirant ainsi les paysans qui rêvaient de fortune et les émigrés désespérés. Pour les compagnies minières, c’était facile de séduire les pauvres gens en leur offrant un loyer égal à une journée de travail. Mais à quel prix d’effort journalier ? Ils travaillaient, sans relâche, du Lundi jusqu’au Dimanche matin, pendant 10h par jour pour 5 francs. Parfois ils avaient droit à quelques quintaux de charbon. Les ouvriers oubliaient la couleur du ciel. Descendre toujours et encore dans les profondeurs du noir, le plus souvent accroupis dans des ascenseurs minuscules et dont le bruit vous faisait à chaque fois tressaillir de peur. Descendre encore plus bas et toujours plus bas... afin d'extraire le minerai de fer, l'or noir. Ils avaient pour compagnon une gourde, un morceau de pain, du lard, parfois du fromage ou le reste du dîner de la veille. Enfin, le dimanche après-midi, tant attendu, ils pouvaient se détendre. Ce repos était merveilleux, et, à chaque fois, tant espéré car les vacances, au bord de la mer ou à la montagne, ne devenaient qu’une illusion perdue. A cet occasion, les mineurs revêtaient leurs beaux habits. Ils resplendissaient durant quelques heures, un instant de liberté, un souffle de vie. La bière et le marc coulaient dans les grandes chopes au café de la Louvière. La place du marché devenait salle de bal, des lampions étaient accrochés aux arbres comme si que ce jour était celui de Noël, les jeunes hommes très guindés dans leur seul costume et jeunes filles dans leurs robes de taffetas s'entremêlaient et espéraient les plus belles histoires d’amour. L’après-midi passait à une allure folle. La nuit s’annonçait et nos jeunes regagnaient leur demeure. Certains se risquaient à traîner, malgré les réprimandes des anciens. Un seul baiser donné était montré du doigt. La situation des femmes et des enfants demeurait un tapis sous le pied. Ces femmes ne disaient rien et se plaignaient rarement de leur sort. Les enfants eux aussi descendait dans les mines. Le mariage était une position honorée quand au divorce, cela était autre chose. La femme séparée devenait la risée des villes et des villages.

Tous les Lundis matins, hommes et enfants regagnaient les puits. Lors des temps de pose, des chuchotements s’entendaient dans tous les corons. Les hommes parlaient de la guerre qui sévissait et surtout qui se rapprochait de leur village si paisible. Les grondements des bombes au loin faisaient monter leur inquiétude. Les femmes et les enfants commençaient à se blottir. La Seconde Guerre mondiale rugissait dans son horreur.

    

     Les Allemands prirent d’assaut leur village, sans doute à cause du canal de Berry, qui donnait libre accès plus loin que Tours. Le bourg se trouvait en zone franche, et les ennemis, sans scrupules, expulsèrent certains étrangers polonais, après avoir fermé en totalité et à jamais les mines.

    

     Le 3 septembre 1942, cent quarante trois juifs dont 18 enfants furent livrés par le gouvernement de Vichy aux nazis, et déportés au camp d'Auschwitz. La gestapo avait effectué de nombreuses arrestations dans la région, et avait incarcéré les personnes concernées à la prison de Richemont. Le 4 Août 1944, à cinq heures du matin, ils forcèrent les quarante deux otages à se regrouper et à monter dans un camion encadré de deux autres camions de soldats allemands et d'une voiture légère avec quatre officiers. A trois kilomètres du village de Quinssaines, le convoi tourna à gauche en direction du lieu dit « Les Grises » qui, à cette époque, était un terrain d’exercice militaire et où, l’avant-veille avait été creusée une fosse. L’exécution commença vers 6 h 20 dans des cris épouvantables. Les otages, par groupes de cinq, furent abattus par-derrière pour tomber la face contre terre. A 7 heures, leur besogne terminée, les 80 assassins reprenaient la route.  

 

     M. Picandet, un témoin qui avait entendu des cris et des coups de feu prévint les autorités: le Maire, M Méchain et le Sous-préfet, M. Féa. Ce dernier alla demander à l’État-major allemand, à l’hôtel Terminus, s’il avait connaissance des faits. Mais on lui répondit que les fusillades dépendaient de la gestapo. M. Féa demanda l’autorisation, d’abord refusée, au chef de cette organisation criminelle, de pouvoir exhumer les corps et de leur donner une sépulture convenable ce qui fut fait l’après-midi même. Sous la surveillance des gardes mobiles et des  maquisards, en présence des autorités judiciaires et policières, on exhuma les corps et on fit leur toilette. Mais ce ne fut que le lendemain que les victimes furent enterrées au cimetière de Prémilhat où l’on déposa sur la fosse commune une superbe couronne de fleurs.

 

     Dimitrov mourut fusillé devant les yeux de Manouska qui était sous l’emprise de ses bourreaux, jambes écartées, jupe soulevées, et qui, jusqu’à sa mort, restera dans cette torpeur. Leur fille Marilyn, née bien assise le 21 Mars 1932 dans cette commune, déclarée par la voisine Josépha Boczar, juive, épouse Laprzal, regardait la scène avec effroi, cachée derrière le mur des grands dont les larmes recouvraient leur visage. Elle avait à peine dix ans. Son grand-père  avait rejoint le clan des condamnés. Des cris montaient vers le ciel. Les corps étaient étendus, nus, tassés les uns contre les autres, baignant dans leur sang chaud. Rien ne pouvait décrire cette horreur. Les femmes à genoux imploraient la miséricorde. Les enfants s’agrippaient tant bien que mal aux jupes de ces dernières. Les allemands sans larmes, d’un ton autoritaire, séparèrent ces hommes et ses femmes dans les souffrances, d’un coup de sifflet. Les familles juives furent comptées, emportés, bousculées vers des camions qui attendaient. Le siège dura quelques mois. Les moments heureux furent enfermés dans leurs cœurs.

 

     Après la libération de Montluçon, une cérémonie à la mémoire des quarante-deux otages fusillés fut organisée le 17 septembre 1944 à l'hôtel de ville. Cependant, quatre personnes n’ont jamais pu être identifiées. Ce fut  Le massacre de la carrière des Grises.

    

     A la fin de la guerre, les hôpitaux virent affluer des personnes en grandes difficultés mentales, en prise avec leurs terribles souvenirs ; cris et douleurs d’une vie brisée.

 

     Manouska, ayant apparemment perdu la raison, fut internée dans un institut psychiatrique d'Yzeure près de Moulins, préfecture de l’Allier se situant à une soixantaine de kilomètres de Montluçon. A cette époque, il n'y avait pas de traducteur russe, ce qui eut pour conséquence un mutisme total de cette femme blessée. Les médecins la jugèrent « folle » et « hystérique ». Sa seule maladie fut le dernier regard qu’elle avait posé sur son tendre époux. Mais comment le dire lorsque personne ne comprenait son langage. Ses gestes traduisaient la violence de ce jour des « grises ». Nul mot ne sortait  de sa gorge. Ses cordes vocales complètement tendues et durcies, elles ne pouvaient plus émettre de son. Seuls, ses yeux exprimaient son traumatisme. L'incompréhension des infirmiers demeurait totale face à  ses gestes qui se débattaient dans le vide, qui parfois battaient le néant!  

 

     Les soignants enfermaient souvent les malades qui montraient une agitation extrême,  dans un cachot capitonné. Un séjour qui pouvait durer  plusieurs heures, plusieurs semaines, leur infligeant le supplice le plus ignoble : la camisole de force,  torse bandé et les poings attachés! Souvent on leur apposait un ruban sur les lèvres de façon à ne pas entendre leurs hurlements!

 

     C’était des traitements comme les électrochocs ! Souvent les malheureux devenaient des proies propices à l’essai de nouveaux traitements.

     Il y avait dans le regard des patients quelque chose qui criait, qui suppliait de leur rendre grâce. La belle n'était devenue qu’une chose...la belle effarouchée devait accepter... seuls ses yeux pleuraient ...

 

 

 

 A suivre..

 

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T
<br /> <br /> un petit bonjour après une longue et belle lecture<br /> <br /> <br /> besos<br /> <br /> <br /> tilk<br /> <br /> <br /> <br />
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A
Un long frissonJe viens de lire,ton histoireQue de souvenirs rejaillissent,mon enfance entre allemands,americains,la tristesse des enfants juifs..............Et les grands parents de mes enfants,des polonais venuent en france dans les années 1925 ?Un monde qui aujourd'hui se querelle encoreMes compliments pour le site
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A
<br /> une mystèrieuse lectrice à qui j'offre mes meilleurs voeux pour l'année à venir. Soies la bien venue . Si tu le souhaites sur le cote il y a mon adresse mail.<br /> <br /> <br />
I
Merci pour ce moment d'émotion. Si tout les va-t-en-guerre du monde pouvaient y être sensibles...
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A
<br /> les va-en-guerre sontr simplements les a^mes qui errent sans cessent dans notre monde des vivants à la recherche d'une sensation extraordinaire ou peu ordinaire ainsi il en va de notre vie ! bien à<br /> toi bien à toi la belle<br /> <br /> <br />
C
rrhhhaa j'aime la musique de pinochio remiker, je la connaissais sous un autre angle....elle est tres bien...et là qu'est ce que je vois....Une peinture de Luis Royo...et bien, on a les même gouts...bonne continuation a toi...
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A
<br /> Catoucatou mais qui a tout?? bienvenu dans la caserne des mots sans dessus sans dessous. A bientot mais je vais faire escale chez toi car ton speudo attise ma curiosité. bien à toi.<br /> <br /> <br />
K
Tes écrits sont superbes!Il est dommage que la musique ne soient plus douce!beaucoup de talent, une émotion qui passe, une atmosphère qui dépasse les frontières denos sens!A bientôt
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A
<br /> helas la musique a été adapté en fonction des flammes Oups. Mais soit le ou la bien venu(e) alors à bientot n'est ce pas?<br /> <br /> <br />
O
Tant de remous dans la vie de tes parents.Je partage avec toi ces émotions.Bises tendresAmitiés
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R
Coucou aurore, contente d'avoir eu de tes nouvelles, un texte très poignant un bel hommage pour ceux qui ont vécus cela, et très émouvant pour les tiens. Bon début de semaine bisous
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M
de bien tristes tranches de vie pour les gens comme ta grand-mère !merci pour cet hommage au "souvenir" !
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A
<br /> hello la toute belle merci pour ton com. oui pas tres joli joli tout cela , n'est ce pas? bien à toi en toute fraternité.<br /> <br /> <br />
M
Aurore, je viens de lire... Juste de lire. Je découvre que ton grand-père et moi sommes nés le même jour de l'année. Cela me touche autant que chaque mot qui te servent là à nous faire témoignage de l'histoire de ta famille durant ces années de folie meutrières que nous ne devons pas pour eux jamais oublier. Je suis très ému et je te souhaite une bonne soirée. @ bientôt, je t'embrasse, Marc de Metz.
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A
<br /> Merci Marc de m'être aussi fidèle.affectueusement<br /> <br /> <br />
D
Merci Chère Aurore de nous avoir fait partager cette histoire douloureuse de ta famille et de ta jeunesse, écrasées par un monde en folie.Bonne journée, bien affectueusement
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A
<br /> Mon Ami je souhaite que cet été t'appporte toute la chaleur désirée en ton coeur. Bien affectueusement.<br /> <br /> <br />
F
Difficile de rester de glace ... Moi cela m'a été impossible ... je pars sur la pointe des pieds ma douce ça fait mal ses mots ! bisous doux
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A
<br /> Tes petits pas à la douceur d'un saut de chaton réconfortent mon coeur ma douce Amie.<br /> <br /> <br />